LA
TARTE AUX CERISES
Ce
texte terrifiant est sans doute un des meilleurs pour démonter les arguments
des agriculteurs, des tenants de l'alimentation industrielle, et de la
distribution de masse par les grandes surfaces.
LE SOL, LA TERRE, LES CHAMPS
de Claude Bourguignon
Histoire chimique d'une tarte aux cerises d'un supermarché.
I Histoire de la pâte
La farine:
Les grains de blé ont été enrobés d'un fongicide avant semis. Pendant sa culture, le blé a reçu de deux à six traitements de pesticides selon les
années, un traitement aux hormones pour raccourcir les tiges afin
d'éviter la verse et une dose importante d'engrais : 240 kg d'azote, 100kg de phosphore et 100 kg de potassium à l'hectare. Dans le silo, après
récolte, les grains sont fumigés au tétrachlorure de carbone et au
bisulfide de carbone puis arrosés au chlopyriphosmethyl. Pour la mouture,
la farine reçoit du chlorure de nitrosyl puis de l'acide ascorbique, de
la farine de fève, du gluten et de l'amylase.
La poudre levante:
Elle est traitée au silicate de calcium et l'amidon est blanchi au
permanganate de potassium.
Les corps gras /
Ils reçoivent un antioxydant comme l'hydroxytoluène de butyl et un émulsifiant type lécithine.
II Histoire de la crème
Les oeufs :
Ils proviennent d'un élevage industriel où les poules sont nourries aux granulés contenant des antioxydants (E300 à E311), des arômes, des
émulsifiants comme l'alginate de calcium, des conservateurs comme l'acide
formique, des colorants comme la capsanthéine, des agents liants comme le
lignosulfate et enfin des appétants pour qu'elles puissent avaler tout ça
comme le glutamate de sodium. Elles reçoivent en plus des antibiotiques
et en particulier des anticoccidiens. Les oeufs avant séchage reçoivent
des émulsifiants, des agents actifs de surface comme l'acide cholique et
une enzyme pour retirer le sucre du blanc.
Le lait :
Il provient d'un élevage industriel où les vaches reçoivent une alimentation riche en produits chimiques : des antibiotiques comme le
flavophospholipol (F712) ou le monensin-sodium (F714), des antioxydants comme l'ascorbate de sodium (F301),
l'alpha-tocophérol de synthèse
(F307), le buthyl-hydrox-toluène (F321) ou l'ethoxyquine (E324), des
émulsifiants comme l'alginate de propylène-glycol (F405) ou le
polyéthylène glycol (F496), des conservateurs comme l'acide acétique, l'acide tartrique (E334), l'acide propionique (F280) et ses dérivés (F281
à E284), des composés azotés chimiques comme l'urée (F801) ou le
diurédo-isobutane (F803), des agents liants comme le stéarate de sodium,
des colorants comme F131 ou F142 et enfin des appétants pour que les
vaches puissent manger tout cela, comme le glutamate de sodium.
Les huiles :
Elles ont été extraites par des solvants comme l'acétone puis raffinées par action de l'acide sulfurique, puis lavage à chaud, neutralisées à la
lessive de soude, décolorées au bioxyde de chlore ou au bichromate de
potassium et désodorisées à 160 0C avec du chlorure de zinc. Enfin, elles ont été recolorées à la
curcumine.
La crème :
Une fois obtenue, elle reçoit des arômes et des stabilisants comme l'acide alginique (E400).
III Histoire des cerises
Les cerisiers ont reçu pendant la saison entre dix et quarante traitements de pesticides selon les années.
Les cerises sont décolorées à l'anhydride sulfureux et recolorées de façon uniforme à l'acide carminique ou à l'érythrosine. Elles sont
plongées dans une saumure contenant du sulfate d'aluminium et à la sortie
elles reçoivent un conservateur comme le sorbate de potassium (E202).
Elles sont enfin enduites d'un sucre qui provient de betteraves qui, comme les blés, ont reçu leur dose d'engrais et de pesticides. Le sucre
extrait par défécation à la chaux et à l'anhydride sulfureux puis
décoloré au sulfoxylate de sodium, puis raffiné au norite et à l'alcool
isopropylique. Il est enfin azuré au bleu anthraquinonique.
Il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter bon appétit !
FRAISES ESPAGNOLES
Rapport
: « Les Agricultures paysannes et bio plus compétitives que les OGM » : http://www.amisdelaterre.org/L-agriculture-durable-plus.html
D'ici à la mi-juin, la France aura importé d'Espagne plus de 83 000 tonnes de
fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises» ces gros trucs rouges, encore
verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs, et
ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des tomates...
Si le seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout, seuls
les consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté un produit qui
se brade actuellement entre deux et trois euros le
kilo sur les marchés et dans les grandes surfaces, après avoir parcouru 1 500
km en camion. À dix tonnes en moyenne par véhicule, ils sont 16000 par an à
faire un parcours valant son pesant de fraises en CO2 et autres gaz d'échappement.
Car la quasi-totalité de ces fruits poussent dans le sud de l'Andalousie, sur
les limites du parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, l'une
des plus fabuleuses réserves d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe.
Il
aura fallu qu'une équipe d'enquêteurs du WWF-France s'intéresse à la marée
montante de cette fraise hors saison pour que soit révélée l'aberration écologique
de cette production qui étouffe la fraise française (dont une partie,
d'ailleurs, ne pousse pas dans de meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont
découvert les envoyés spéciaux du WWF, et que confirment les écologistes
espagnols, illustre la
mondialisation bon marché.
Cette
agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne centaine empiètent
déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national. Officiellement,
60% de ces cultures seulement sont autorisées, les autres sont des extensions
«sauvages» sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des
protestations des écologistes.
Les
fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une plante vivace
productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des
fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été
dans des frigos qui simulent l'hiver, pour avancer leur production. À
l'automne, la terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite
avec du bromure de méthyl et de la
chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de
Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone, signé en 1987 (dernier délai
en 2005); le second, composé de chlore et
d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux: il bloque les alvéoles
pulmonaires.
Qui
s'en soucie? La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une
main-d'oeuvre marocaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés
dans des conditions précaires, qui se
réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique recouvrant
les fraisiers au coeur de l'hiver. Un écologiste de la région raconte
l'explosion de maladies pulmonaires et d'affections de la peau.
Les plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation qui
transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les cultures sont
alimentées en eau par des forages dont la moitié ont été
installés de façon illégale. Ce qui transforme en savane sèche une partie de
cette région d'Andalousie, entraîne l'exode des oiseaux migrateurs et la
disparition des derniers lynx pardel, petits carnivores
dont il ne reste plus qu'une trentaine dans la région, leur seule nourriture,
les lapins, étant en voie de disparition. Comme la forêt, dont 2 000 hectares
ont été rasés pour faire place aux fraisiers.
La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de
plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe où, soit brûlées
sur place.
Et
les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de s'exiler ailleurs
en Espagne. Remarquez: ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais au
cas ou les produits nocifs qu'ils ont respiré ...
La
production et l'exportation de la fraise espagnole, l'essentiel étant vendu dès
avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente ce qu'il y a de moins
durable comme agriculture, et bouleverse ce qui demeure dans l'esprit du public
comme notion de saison. Quand la région sera ravagée et la production trop onéreuse,
elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise
commencent à s'installer. Avant de venir de Chine, d'où sont déjà importées
des pommes encore plus traitées que les pommes françaises...
PAR Claude-Marie Vadrot
Politis jeudi 12 avril 2007
NB N'hésitez pas à faire connaître ceci à vos amies et amis...